LIEUX DE VIE

Réaménager sa cour de récréation : mode d’emploi

La cour d’école n’est plus aujourd’hui considérée comme une zone de défoulement, où les élèves se précipitent pour échapper aux quatre murs de leur classe. Désormais, la cour de récréation est bel et bien un espace d’apprentissage extérieur au sein de l’école. Reste à savoir comment l’aménager et quels équipements y installer.

 Les enjeux principaux d'un projet de réaménagement d'une cour d'école Les enjeux principaux d'un projet de réaménagement d'une cour d'école

Les enjeux principaux d'un projet de réaménagement d'une cour d'école

De plus en plus d’établissements scolaires souhaitent aujourd’hui réaménager leur cour de récréation. Derrière cette volonté, il peut y avoir un enjeu environnemental, social et pédagogique :

  • Environnemental : Car les cours d’école aux sols bitumés constituent des ilots de chaleur en zone urbaine. On cherche désormais à en faire des oasis de fraicheur en les végétalisant. L'idée est de désimperméabiliser les sols pour favoriser l'écoulement naturel des eaux pluviales. De cette manière, on favorise la réalimentation naturelle des nappes phréatiques.
  • Social : Car c’est aussi dans la cour que les liens se nouent entre les élèves, et que les enfants apprennent à se comporter en collectivité. La cour de récréation peut également être un lieu de rencontre au-delà du cadre scolaire (activités associatives, réunions de parents, etc.), un espace intergénérationnel (invitation des personnes âgées en EHPAD) ou encore un espace inclusif (intégration des élèves en situation de handicap à travres des jeux collectifs).
  • Pédagogique : Car on considère aujourd’hui que la cour de récréation est un espace d’apprentissage supplémentaire.

Quelles que soient ses motivations, le réaménagement de la cour de récréation commence par un projet, dont la conception doit impliquer tous les usagers de cet espace : enfants, enseignants, parents, animateurs, agents d’entretien.

 Différentes phases pour un projet de cour de récréation réussi Différentes phases pour un projet de cour de récréation réussi

Différentes phases pour un projet de cour de récréation réussi

Concrètement, ces différents publics s’impliquent lors d’ateliers de co-création, et par différentes phases d’enquêtes, au cours de différentes étapes du projet à savoir :

  • La sensibilisation : pour bâtir un socle commun de connaissance, partager les enjeux, les faire émerger au fil des interventions des différents usagers. Durant cette phase, on revient aussi sur les contextes spécifiques à prendre en compte (ilots de chaleur, biodiversité...)
  • Le diagnostic : pour faire l’état des lieux, comprendre ce qui ne fonctionne pas ou mal, identifier les atouts et les freins. Où sont les conflits, comment les résout-on dans la cour ? Quels sont les jeux à garder ?...
  • Les préconisations : où chacun exprime ses attentes et ses intentions
  • Le suivi : pour vérifier à chaque étape que ce qui a émergé des phases de diagnostic et de préconisation est bien présent. Là encore, en peut impliquer les usagers et notamment les enfants quand c’est possible : ils sont par exemple toujours ravis de participer aux plantations dans l’aménagement de leur cour de récréation.
  • L’évaluation : à la fin des travaux, pour vérifier que les objectifs sont atteints et corriger si besoin.
 La cour de récréation : un projet de co-création La cour de récréation : un projet de co-création

La cour de récréation : un projet de co-création

Stéphanie Cagni, cofondatrice et cogérante de la société coopérative Atelier Pop Corn à Lyon, travaille sur des projets d’espaces publics et notamment de cours d’écoles, en y impliquant les enfants et les adultes. Elle insiste sur le fait qu’un projet d’aménagement de la cour de récréation en maternelle, au collège ou au lycée est avant tout un projet de co-création, impliquant tous les usagers de cet espace, pendant les temps scolaires et périscolaire :

  • Les enfants (dès la maternelle),
  • Les enseignants,
  • Les équipes éducatives et agents municipaux (animateurs et agents d’entretien, souvent inquiets face aux réaménagements de cour)
  • Les équipes techniques (patrimoine, bâtiment, espaces verts, élus etc : les questions de pérennisation, d’entretien et de gestion auront forcément un impact sur l’organisation de la commune)
  • Les parents (qui ont un lien indirect avec la cour de récréation, via leurs enfants)

Imaginer la cour de récréation selon les attentes de chacun

Stéphanie Cagni souligne :

« Lors de ces différentes étapes, chacun est associé à la réflexion, toujours dans son cœur de métier. Il s’agit de faire cohabiter les besoins et les contraintes de tous. On demande aux enfants ce qu’il se passe dans la cour de récré, ce qu’ils y font et aimerait y faire ; aux enseignants, comment ils utilisent cet espace, et ce qu’ils souhaiteraient y réaliser ».

Imaginer la cour de récréation selon les attentes de chacunImaginer la cour de récréation selon les attentes de chacun

Au fil de cette démarche, la cour se structure peu à peu en zones d’activités. Chacune répond à une ou plusieurs des problématiques évoquées : environnementale, sociale et pédagogique. Parmi les zones les plus intéressantes, citons :

  • Un espace pour faire classe à l’extérieur
  • Un jardin pédagogique
  • Un espace de calme et de détente
  • Espace sportif, ouvert à toutes et à tous dans un souci d’inclusion
  • Des parcours et des couloirs de circulations permettent d’accéder aux différents espaces

Pour créer ces zones d’activités, rappelons qu’il est toujours possible, voire préférable, de commencer « petit », avec du matériel modulable. Cela permet de tester différentes configurations jusqu’à trouver celles qui fonctionnent le mieux pour les usagers.

La cour de récréation pour faire classe dehors : un enjeu pédagogique

De nombreux enseignants envisagent aujourd’hui la cour de récréation comme un espace d’apprentissage. Selon Stéphanie Cagni : « La cour représente aujourd’hui une vraie opportunité de réinterroger la pédagogie ».

Faire classe dans la cour, c’est notamment prendre des risques (raisonnables !), liés à des aléas qui n’existeraient pas dans un espace clos. C’est enseigner dans un cadre moins protégé (distractions, aléas météorologiques...), en adoptant un point de vue différent sur des notions abordées en classe. Par exemple, lors d’un cours de science à l’extérieur, on peut utiliser le vent ou le soleil. La cour de récréation au collège, en primaire ou en maternelle s’inscrit ainsi dans la continuité de la salle de classe. Ce n’est plus une annexe mais bien un espace supplémentaire au sein de l’école.

Tableau mobile sur roulettesTableau mobile sur roulettes

Pour faire classe à l’extérieur, on utilise du mobilier adapté à un usage en plein air, comme un tableau mobile « tipi », muni de roulettes robustes et offrant un espace de rangement bien pratique pour transporter le matériel.

banquettes extérieure pour enfantsbanquettes extérieure pour enfants

Des bancs, des banquettes mais aussi des tables-bancs permettront aux élèves de s’installer confortablement pour écrire.

Abri toileAbri toile

Et parce qu’il est très important de pouvoir continuer les apprentissages même en cas de fort soleil ou de pluie, on prévoit des abris : certains sont en toile traitée anti-UV, et dans un matériau déperlant. Ils sont également recyclables : un argument supplémentaire pour la protection de l’environnement.

Jardin pédagogique et végétalisation de la cour de récréation

Récemment, l’aménagement des cours de récréation au collège, au lycée ou en primaire a souvent été envisagée dans le contexte du changement climatique : lors des canicules de ces dernières années, on a constaté que les cours d’école bitumées constituaient des ilots de chaleur en ville. On a alors pensé à réaménager les cours d’école en les végétalisant. Puis on a réfléchi au rôle que cela pourrait jouer dans la biodiversité. On a également réalisé qu’une cour d’école végétalisée pouvait rapprocher les enfants de la nature, tout en satisfaisant leur besoin d’explorer, de manipuler. Car un espace végétalisé est également un espace de découverte.

Quelle que soit sa motivation, la réussite d’un projet de végétalisation repose là encore sur l’implication des usagers. Nicolas Brulard est directeur de la société Carré Serre. Il accompagne depuis dix ans des projets d’agriculture urbaine et d’alimentation locale auprès des collectivités.

Il explique :

« Végétaliser, c’est travailler sur du vivant, sur des plantes qui évoluent, qu’il faut soigner régulièrement. L’ensemble de l’installation évolue au fil du temps : le rôle des usagers doit être pensé sur la durée. Il s’agit de les rendre acteurs du projet au fil du temps, sous peine de le voir échouer. Par exemple, on peut avoir des problèmes d’arrosage et un aménagement qui se dégrade, simplement car les agents d’entretien n’ont pas été impliqués dans le projet suffisamment en amont. »

Lors des ateliers de co-création en amont de la réalisation, des experts peuvent accompagner les équipes pédagogiques pour les aider à se projeter dans différents univers. Cela leur permet de se poser les bonnes questions et de définir ce qui leur convient : veulent-elles des pratiques d’activités créatives ? D’observation ? Intégrer le jardin au programme scolaire ? Souhaitent-elles des potagers en libre-service, ou uniquement réservés aux enfants accompagnés d’adultes ? Faut-il prévoir une place pour d’autres adultes que les équipes enseignantes ou les services techniques ?... L’idée est toujours de bien définir les usages prévus pour ces espaces, avant de procéder aux aménagements.

JardinièresJardinières

Ensuite, on peut choisir du mobilier modulaire, des établis ou des tables potagères faciles à transférer d’un espace à l’autre, avec la possibilité de les tester sur de petits espaces et d’observer l’implication des usagers.

carré potagercarré potager

Il existe aussi des équipements clef en main et des packs complets que l’on peut installer en créant tout un environnement pédagogique.

Jardin potager à l’école : intégrer le facteur « temps »

Le temps est aussi un élément essentiel à prendre en compte dans un projet de végétalisation de cour de récréation. Le potager connaît en effet plusieurs phases au fil des saisons, qui doivent être bien intégrées dans la réflexion : il y a notamment une période de forte production du jardin pendant l’été, donc en dehors des périodes scolaires. Que faire ? Fermer le potager en début d’été pour relancer les activités pédagogiques à l’automne ? Impliquer les parents et les centres de loisirs pour qu’ils participent pendant la période de vacances ? Cette option peut être une bonne idée car cela contribue à créer des liens entre des acteurs qui ne communiquent pas forcément entre eux habituellement. De petites surfaces deviennent ainsi des lieux d’échanges. C’est aussi le cas quand on met en lien le végétal avec le programme scolaire pour les Sciences de la Vie et de la Terre par exemple. Cela contribue à créer du lien entre les enfants et les intervenants. Cela permet aussi de faire évoluer certains comportements au sein de l’école : des enfants peu à l’aise en classe se libèrent au contact de la nature.

Tout cela contribue à améliorer le climat scolaire, un aspect essentiel à prendre en compte dans l’aménagement de la cour de récréation, qui porte forcément en lui un enjeu social. La cour de l’école est un lieu de vie, il y est question de mixité, de bonnes relations à créer entre les enfants et aussi avec les adultes.

Selon Stéphanie Cagni :

« La cour d’école est finalement le premier espace public où les enfants évoluent librement. Ils s’y rencontrent, confrontent leur point de vue, entre « petits » de CP et « grands » de CM2, filles et garçons, enfants présentant un handicap et enfants sans besoins particuliers ».

La cour de récréation, espace sportif pour tous

Les activités sportives à l’école peuvent elles aussi favoriser le bien vivre ensemble, à condition d’organiser l’espace pour que les jeux sportifs soient accessibles à tous. Or, ce n’est pas si simple. Dès le milieu du primaire, on peut observer une séparation entre les jeux des garçons et des filles dans la cour. Une zone centrale est souvent monopolisée pour des matches de foot. Les équipements sportifs d’aujourd’hui peuvent aider à « décloisonner » l’espace alloué au sport. On choisit des aménagements et des jeux favorisant une cour de récréation non genrée.

espace multisports extérieurespace multisports extérieur

L’idée est d’offrir plusieurs zones d’activités sportives pour que chacun y trouve son compte et puisse jouer ensemble. Selon qu’il s’agit d’une école maternelle, d’une école primaire, d’un collège ou d’un lycée, on envisage différents équipements : des espaces multi-terrains pour les pré-ado et les élèves plus âgés leur offriront plusieurs possibilités d’activités. De plus, ce sont des installations sportives faciles à entretenir

table de tennis de tabletable de tennis de table

Les tables de ping-pong, désormais présentes dans de nombreux jardins publics, ont, elles aussi, toute leur place dans la cour de récréation.

tricycletricycle

Pour les jeux de cour de récréation en primaire, on n’oublie pas les tricycles et karts, qui réjouiront les plus petits et donneront lieu à des parcours ludiques où ils consolideront leur équilibre.

Jeu gymnastiqueJeu gymnastique

La cour d’école de maternelle peut offrir des équipements d’activités gymniques pour les petits favorisant la motricité des plus jeunes, avec des exercices d’équilibre.

Un espace calme dans la cour : pour ceux qui n’ont pas envie de jouer

L’importance de l’activité physique et la présence d’un « espace énergique » sont souvent évoquées lors de l’aménagement d’une cour de récréation. Cependant, lors des phases de conception du projet, les enfants expliquent avoir aussi besoin de moments de calme, où ils préfèrent être seuls ou en petits groupes, pour pouvoir rêver, lire ou discuter. Ces moments peuvent simplement avoir lieu dans les espaces végétalisés de la cour. Mais on peut aussi y installer une zone spécifique, avec du mobilier de détente invitant les élèves à se poser.

Définir une telle zone permet aussi de repenser la cour de récréation comme un espace pour tous. En effet, dans une cour « à l’ancienne », un enfant qui préfère lire ou rêver plutôt que jouer pendant la récré sera considéré comme isolé, « seul dans son coin ». Dans une cour de récréation comportant un coin calme, cet enfant n’est pas « dans son coin » mais « dans le coin calme ». Il a lui aussi sa place dans la cour. 

banc urbainbanc urbain

Côté mobilier et équipement, on favorise les assises relax, comme des fauteuils d’extérieur, des banquettes d’inspiration chaise longue, ou « en étoile » pour s’y assoir en petit nombre et discuter.

boîte à livresboîte à livres

Pour ceux qui aiment profiter de la récré pour tourner quelques pages, on place des boites à livres dans cet espace calme qui prend des airs de bibliothèque à ciel ouvert.

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